Afin de tenter de délimiter le domaine de l’art,
il nous faudra l’éclairer par son histoire et les relations qu’il entretient
avec la technique, la nature, et le beau. Enfin nous verrons sa relation au
jugement esthétique, aux critères du beau.
I. L’art et la technique :
la finalité
Aristote divisait la philosophie en
trois : la science théorétique
(physique, psychologie et métaphysique), la science pratique (morale et politique) et la science poétique (poétique et rhétorique). Entre ces deux dernières il est
une différence importante.
Alors que la pratique (du verbe prattein, agir) concerne une action
immanente à celui qui la fait, la poétique (du verbe poiein, créer) est transcendante à celui-ci. Dans ce dernier cas
seulement il y a création extérieure à l’agent. Alors que la pratique concerne
un choix sans qu’il n’y ait d’œuvre distincte de celui qui l’accomplit, la science poétique est principalement une
technique, produisant une œuvre séparée.
Or le mot « art » en grec se dit technê, et se comprend dans cette
dernière catégorie. Il est, dans notre langue, le sujet de deux acceptions
différentes : 1. Il reste encore synonyme
de « technique », car par opposition à la nature l’art débute
selon une fin, c’est-à-dire une réflexion ; par exemple l’art de la
guerre, de l’agriculture. 2. Il est encore l’expression d’une beauté, elle
inutile si ce n’est qu’elle est une fin en soi ; son synonyme serait les
« beaux-arts ».
Ce n’est qu’à partir du XVIIIe siècle que le
mot « technique » va concurrencer « l’art », en devenant
principalement les moyens d’accomplir ce dernier (la technique du peintre,
etc.) Au XXe siècle il ira aussi se rapprocher de la théorétique, signifiant
« spécialisation » et « applications de la science. »
Cependant « l’art » va peu à peu être restreint aux Beaux-Arts,
signifiant la finalité non utilitaire d’une œuvre.
Est-ce à dire que l’art ne connait pas de
science ?
Cependant l’art reste tout de même séparé de l’esthétique,
qui est une réflexion philosophique, au même degré que sont distincts science
et philosophie de la science : ou l’artiste ne saurait être contraint de
suivre des règles strictes imposées, ou les règles qu’il suivra seront
susceptibles de s’altérer avec le temps — on le voit dans l’histoire de l’art.
Hegel dira
de la technique qu’elle vise la survie du corps (consommation), alors que l’art
a, aussi, une fin, mais spirituelle (contemplation). Il permet à la conscience
d’objet de devenir conscience de soi, de contempler la nature par la médiation
d’une imitation la rendant plus humaine.
Heidegger
(1889-1976) suivra le contexte de son époque et l’histoire qui précède
celle-ci, et ira comprendre la technique non selon un ensemble de moyens mais
selon un mode de pensée : la pensée technique, qui risque de devenir la
seule pensée alors que celle de l’être (voir Aristote) est autrement diverse.
Cette pensée est résolument moderne, et à son plus grand développement l’on se
souvient des promoteurs de « l’art pour l’art, » (Gautier) assertion que
Nietzsche dénoncera comme illusoire : que l’on rejette la finalité morale
ne veut pas dire que l’art est dépourvu de but.
II. L’art et la nature :
finalité et imitation
Cet Archytas, contemporain de Platon (IVe
siècle av. J.C.), aurait conçu une colombe en bois et capable de voler. Aussi
Galilée place bien au-dessus de l’art la nature, bien que sans référence à la
beauté (voir III) : « Ne dirons-nous pas que l'art de faire surgir
d'un marbre une très belle statue a élevé le génie de Michel-Ange bien
au-dessus du commun des hommes ? Or, cet art n'est que celui d'imiter une seule
attitude, une seule disposition des membres, l'aspect extérieur et superficiel
d'un personnage immobile. Qu'est cela en comparaison d'un homme fait par la
nature, composé de tant d'organes externes et internes, de tant de muscles, de
tendons, de nerfs et d'os lui permettant des mouvements si nombreux et si
divers ? »
Comme nous l’avons vu, l’art en toutes ses
acceptions s’oppose à la nature dans le sens où cette dernière est un principe
produisant sans réflexion. Quand la nature en général fait ses êtres, l’homme,
ne pouvant y voir quelque finalité, créé de manière à exprimer une fin délibérée.
L’art, en étant un choix — peut être un besoin, — participe à la définition de
l’homme, et ce dès la préhistoire.
Mais les beaux-arts ont connu une longue
tradition d’imitation de la nature. En quoi d’autre que la matière (toile
contre espace) donc peuvent-ils s’en séparer ?
A l’opposé de ces philosophes qui voient l’art imitatif
(ou figuratif) d’un bon œil, Platon est notoire pour s’y être opposé selon sa
conception de l’être, en-dehors de la nature :
III. L’art et le beau
Nous l’avons déjà lu, l’esthétique est la
science du beau, sans pour autant qu’il faille adhérer à l’assertion de Hegel
qui n’y fait correspondre que l’art ; culturellement il est cependant
admis que ce dernier est au moins le parangon sinon le seul exemplaire de la
beauté. Ce qui est a priori plus
évident est un de ses caractères, que trop souvent l’on taxe de relatif à
chacun, sans plus trop distinguer que les sens de l’homme sont différents de
son intellect et qu’en plus ils diffèrent entre eux.
C’est parce que l’art exprime la beauté que l’homme
peut en exprimer un jugement. Juger
relève d’une liaison entre la généralité des idées — elles ont en puissance la
multiplicité de leurs suppôts — et la particularité des sensibles (les mêmes
suppôts). C’est dire : « ceci est un(e) x ou y » ; en outre
la notion traditionnelle de vérité implique cette forme de jugement : est
vraie l’idée qui correspond, dite, à la chose.
IV. L’art et la critique/le
critère
V. Etude contrastée de
textes
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